Une ferme bio d’élevage bovin viande qui autoproduit ses semences paysannes


Carte d’identité de la ferme :

Lieu : Baâlons, Ardennes

Surface : 100 ha, dont 65 ha de prairies

Nombre d’animaux : 35 mères limousines, une centaine d’animaux

Nombre de personnes : 1 personne à temps complet et aide familiale

Production :

  • Polyculture élevage (bovin viande)
  • Semences

Label : certifié AB

Commercialisation :

  • Viande en circuit court ou long via Unebio
  • Céréales en circuit court à des collègues laitiers pour l’alimentation des animaux ou circuit long classique

 

Installation et système de production :

Jérôme s’est installé en 2016 sur la ferme familiale, après un an d’aide familiale et suite à des études et des emplois en aménagement paysager et forestier. Il travaille seul, avec l’aide de son père l’après-midi et mène une production en polyculture élevage. La ferme a été convertie en bio juste avant son installation car il n’envisageait pas de s’installer en agriculture conventionnelle. Ce sont 100 hectares, dont 65 ha de prairies (20 ha de prairies temporaires et 45 ha de prairies permanentes) et 35 ha de cultures de céréales (blé, épeautre, avoine, orge, triticale), des légumineuses  (pois, lentilles, soja, lupin), sarrasin, luzerne qui sont cultivés et 35 mères limousines élevées, pour une centaine d’animaux au total.

Il a gardé le troupeau limousin de son père, une race rustique, maternelle, qui se débrouille un peu toute seule. Cependant, il a changé le système d’alimentation. Il a arrêté le maïs pour semer des pâtures et des prairies (graminées et trèfle) pour faire du foin et nourrir ses vaches à l’herbe et a semé une grande diversité de cultures. Il a également mis en place l’atelier bœuf et vend désormais des bœufs et des génisses grasses à 3 ans (10 mois auparavant avec le système broutard).

Il mène son système de production en non labour depuis le départ et sur des petites parcelles de 4-5 ha. Pour autant, il n’est pas dérangé par les adventices car si un adventice est trop bien implanté, il sème une prairie temporaire pour s’en débarrasser, ce qui est un des avantages du système en polyculture élevage.

Il a réalisé différents essais, qui ont plus ou moins bien fonctionné, ce qui montre sa volonté de s’adapter, de faire évoluer son système de manière la plus efficiente et résiliente possible.

En plus de cela, Jérôme vise l’autonomie :

  • pour l’alimentation animale (100%), notamment parce que l’alimentation des animaux coûte cher ;
  • au niveau des semences, mais pas à 100% puisqu’il lui arrive d’en acheter ou d’en échanger avec des collègues ;
  • au niveau de la fertilisation car c’est le fumier des animaux qui sert d’engrais.

D’un point de vue financier, c’est pertinent de viser l’autonomie. Ainsi, il achète seulement de la paille pour la litière des animaux et des blocs de sels et minéraux. De plus, il a mis en place un pico-méthaniseur où il met du fumier et du compost afin d’atteindre l’autonomie énergétique (à titre personnel). Cette autonomie, qui est un aspect essentiel de l’agriculture paysanne, rentre dans une dimension essentielle pour Jérôme : la cohérence du système.

Une des dimensions sur laquelle il reste dépendant est la dimension &conomique puisqu’une grande partie de ses revenus vient de la PAC.

 

Bien-être animal et gestion des animaux :

A son arrivée, il a suivi des formations, sur l’alimentation animale, la gestion du troupeau et sur les soins car il maîtrisait moins bien la partie élevage. Pour veiller au bien-être de ses animaux, il évite la surpopulation, veille à la bonne aération des bâtiments, les laisse dehors le plus possible, et n’écorne pas les vaches. Le parcellaire groupé permet de limiter les déplacements et les arbres abritent du soleil pendant l’été. La diversité cultivée permet aux vaches de se soigner elles-mêmes en mangeant les plantes dont elles ont besoin (ronces, sauge).

Il utilise l’homéopathie et l’aromathérapie, pour les soins, et il a suivi une formation qui lui permet de réaliser lui-même ses propres mélanges d’huiles essentielles pour chaque problème (répulsif, anti-diarrhée pour les veaux, …) et n’a recours que très rarement au vétérinaire.

Aujourd’hui, Jérôme est dans une logique de réduction du troupeau, puisqu’il a réduit de 10 le nombre de mères pour être autonome en alimentation et il lui arrive de vendre une mère et un veau s’il a trop d’animaux.

Il emmène ses animaux à l’abattoir de Charleville ou de Rethel qui se situent entre 30 minutes et 1h de chez lui.

 

Agroforesterie :

Jérôme a également mis en place de l’agroforesterie, avec des ligneux qui sont utilisés pour l’affourragement des animaux quand les prairies sont trop sèches en été. Cela montre l’intérêt de l’arbre dans un système de polyculture élevage et pour la biodiversité de manière générale. Il plante aussi bien des arbres, des arbustes fruitiers (groseilliers, pommiers, poiriers…) et des arbres bocagers.

 

Le métier de paysan :

Un des côtés que Jérôme préfère dans son métier, c’est de l’exercer à l’extérieur, au contact de la nature. Mais cela a des aspects stressants puisqu’il faut composer avec la météo, qui conditionne la réussite de ses cultures. De plus, avec le réchauffement climatique et les sécheresses, il y a des cultures ratées tous les ans, mais grâce à sa diversité cultivée, il y aura aussi tous les ans des cultures qui pousseront bien.

Un autre aspect difficile de son métier, est de nourrir les animaux l’hiver, de distribuer le foin à la main matin et soir. La manutention et le travail debout en permanence sont pénibles. Il est plus facile d’être dans son tracteur pour les travaux des champs, tant qu’il n’y a pas de problème mécanique…

Pour conserver sa qualité de vie, il essaye également de prendre des congés aux périodes creuses, en avril et en septembre après la moisson ou alors de façon ponctuelle, au dernier moment.

 

 

Engagement :

Jérôme est engagé auprès de diverses associations, comme l’ARDEAR Grand Est avec laquelle il intervient en stage 21h sur le thème de l’agroécologie. Il est aussi président d’une association de protection de l’environnement : le ReNArd (Regroupement des Naturalistes Ardennais), qui contribue à la protection de la biodiversité et à la formation de corridors écologiques via la plantation de haies et le développement de l’agroforesterie. Il est également sociétaire du magasin Biocoop à Charleville et adhère à d’autres associations (médecine homéopathique, mouvement de l’agriculture biodynamique).

 


Semences paysannes :

Depuis 4 ans, Jérôme trie ses semences avec un petit trieur acheté d’occasion à 20€, auquel il a rajouté un moteur de machine à laver, pour le rendre électrique. Il a commencé à faire ses semences pour réduire ses charges et au fil des années, il s’est rendu compte que ses semences sont plus adaptées au terrain. Même s’il n’a pas beaucoup de recul, il est convaincu que sur 10-15 ans, la différence par rapport à une variété moderne se verrait, car les variétés modernes ne sont pas adaptées au système de polyculture élevage. Elles sont productives avec des engrais et des produits phytosanitaires, mais produisent peu de paille pour les animaux.

Jérôme utilise principalement des variétés rustiques, inscrites au catalogue depuis longtemps, en blé (rouge de Bordeaux, avec une bonne hauteur de paille et peu gourmande en engrais), grand épeautre (Oberkulmer), avoine, orge, triticale, légumineuses (pois, lentilles, soja, lupin, luzerne pour le fourrage), sarrasin. Il réalise des essais, qui sont plus ou moins concluants, par curiosité, sur de petites surfaces, avec l’idée que la biodiversité cultivée est importante pour la résilience de son système.

Il définit les semences paysannes comme des semences qui restent ancrées à leur terroir, leur territoire, avec une certaine limite géographique par rapport aux variations de sol et de climat, ce qui leur permettra de s’adapter d’elles-mêmes au changement climatique. C’est le fait de sélectionner chaque année les graines qui ont réussi qui permet aux variétés de perdurer.

Au niveau du tri des semences, il n’y a pas de pertes, tout est utilisé : les déchets sont gardés pour les poules et les vaches et s’il ne peut pas les utiliser (il ne faut pas donner des graines d’adventices aux vaches, sinon elles seront remises dans le système par le fumier), il les donne à un collègue qui a un méthaniseur.

Bien qu’il ne soit pas organisé autour d’un collectif pour les semences, il y a tout de même de l’entraide avec ses voisins, avec qui il peut échanger ou troquer des semences, mais il n’y a pas d’argent en jeu puisque la vente de semences est interdite par la loi.

Pour parfaire sa méthode, il a suivi une formation avec l’Or des Graines sur les semences paysannes.

D’un point de vue technique, il dédie environ 10% de ses parcelles à la production (parfois plus), ce qui lui permet de ressemer l’année suivante, de faire des échanges avec ses voisins, de les dépanner si besoin. Les semences sont conservées en Big Bag dans un bâtiment à l’abri pour qu’elles soient bien au sec, ce qui engendre beaucoup de manutention. Il a acheté un nouveau trieur qui lui permettrait de passer de 5-6 q/h à 10-15 q/h, ce qui représente un gain de temps considérable. Cela est nécessaire puisque ça prend beaucoup de temps de faire ses propres semences.

Pour quelqu’un qui souhaiterait commencer ses semences paysannes, il conseille d’être curieux, de se lancer et de faire de nombreux essais.


 

Publié en avril 2023

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