Une ferme créée sur des terres défrichées

Attale et Guy se sont installés à partir de 1978 en créant une ferme et défrichant des terres prises sur la forêt. Les premières années furent difficiles mais au fil du temps, la ferme s’est développée et compte aujourd’hui 49 hectares, dont 8 réservées aux céréales, pour nourrir 31 vaches et livrer annuellement environ 165000 litres de lait à la fruitière à Comté du village dont Guy est encore administrateur.
« Monter une ferme en défrichant, c’est une sacrée aventure ! A l’époque je fonçais sans trop me poser de questions et je faisais aveuglément confiance dans les technologies, mais avec beaucoup d’erreurs agronomiques. Nous sommes vite revenus du productivisme. Au départ le sol est très acide (PH de 4,5) et pendant des années produire des céréales était compliqué.
Cela nous a conduit à utiliser les variétés les plus rustiques (avoine, seigle, triticale) et aujourd’hui nous avons retrouvé par l’intermédiaire du « réseau semences paysannes  » des variétés anciennes adaptées à la culture sans intrants ( blés et orges ).
Pour enrichir la terre en humus nous fabriquons du compost de fumier en quantité, qui améliore la fertilité du sol et la qualité des fourrages ; cela favorise la diversité floristique , l’équilibre graminées – légumineuses, mais aussi les plantes aromatiques et diététiques de la prairie. Je ne pense pas que nous recommencerions de la même façon aujourd’hui, mais pourtant sur notre ferme à échelle humaine, nous tirons deux salaires et nous employons un salarié à temps partiel. »

Produire, oui, mais en respectant le sol, les plantes et les animaux

Dans cette logique, en 1999 Attale et Guy sont passés en agriculture biologique et actuellement ils sont séduits par la biodynamie. Passés par l’école d’agronomie de Rennes, ils sont attachés à une réflexion permanente sur la vie du sol, la vie des plantes, leur développement, etc.
«Evidemment sur notre ferme, nous devons optimiser notre ration de base, valoriser au mieux nos pâturages, être le plus autonome possible, tout en recherchant la meilleure qualité biologique et organoleptique pour nos produits. L’alimentation des animaux joue sur la santé des vaches, et par exemple sur les diarrhées des veaux. On a fait le choix de les faire téter leur mère jusqu’à au moins 15 jours et de les sevrer vers 5 mois, c’est une façon de faire qui bouscule mais qui permet des résultats. On utilise également la phytothérapie, l’homéopathie et l’aromathérapie en curatif et en préventif .
Mais optimiser ne veut pas dire exploiter à bout : la race Montbéliarde a été trop poussée biologiquement, trop sélectionnée et aujourd’hui cela pose des problèmes d’immunité ou de reproduction, etc. Nous introduisons progressivement la race Simmental dans notre troupeau; elle est moins productive en lait et nous désirons tester sa rusticité et sa résistance aux maladies. Etre en bio ne protège pas du productivisme, or pour gagner sa vie il faut maîtriser son travail, donc ne pas en avoir de trop, ainsi que des hectares ou des vaches. Et ça le projet d’Agriculture Paysanne le montre bien ! »

Lutter contre la propagation des rumex

Guy fait partie des paysans que le développement du rumex a interpellé. Il est parti d’observations simples : une plante de rumex produit énormément de graines et ces graines enfouies dans le sol gardent leur pouvoir germinatif pendant des dizaines d’années.
« Donc pour éviter que le stock de graines augmente dans le sol je dois d’abord empêcher la plante de produire ses graines soit en détruisant les portes-graines avant maturité dans les prés, par fauchage ou broyage soit en enlevant les plantes dans les céréales et c’est là que ça se complique. »
Quand je laboure, la charrue coupe à 20 cm sous la surface du sol le pivot du rumex et enfouit la plante au fond de la raie ; tôt ou tard elle refait surface grâce à sa très grande vivacité.
Aujourd’hui, lorsque je veux implanter une céréale d’automne derrière une prairie je ne laboure plus ; pour détruire la prairie , vers le 15 ou 20 août j’utilise un outil à dents type actisol (muni de socs à ailettes ) qui scalpe le feutrage de la prairie et coupe la racine du rumex entre 5 et 10 cm de profondeur ; ensuite pour casser ce feutrage j’utile une herse rotative ; à cette époque encore chaude les herbes qui constituent la prairie meurent et jaunissent en 8 à 10 jours , seuls les rumex dont le collet important est gorgé d’eau et de réserves continuent de produire des feuilles bien vertes ; c’est ce qui permet de les repérer visuellement et de les ramasser à la main .
Cette opération peut être considérée comme fastidieuse si le pré est bien infesté mais elle débarrasse du rumex pour l’assolement des 3 pailles successives. A noter que la partie de racine restée en terre ne fait pas de nouveaux bourgeons si on ne la ramène pas à la surface et pourrit en 1,5 année environ ; donc pas de nouveau labour pour la culture suivante.
Les pratiques complémentaires pour valoriser ce travail manuel sont de toujours travailler superficiellement le sol avec des outils à dents en conditions bien ressuyées et de faire des passages fréquents et rapides après le déchaumage pour éviter que les graines de rumex qui lèvent ne donnent des plantes trop développées et résistantes. »
Autres observations importantes : « Le rumex est une plante dont la graine pour germer et se développer a besoin de lumière et de chaleur ; donc dans une prairie non dégradée par les campagnols l’épaisseur du gazon empêche la graine de germer. En revanche à l’implantation d’une culture, surtout en été, les conditions sont réunies pour la germination de la graine de rumex.
C’est la raison pour laquelle, après trois céréales successives, je ne réimplante plus mes prairies temporaires en été après la moisson ; depuis 7ans je sème ma prairie sous couvert d’avoine au printemps : l’avoine est semée vers le 15 mars et je sème la prairie dans l’avoine lorsque cette dernière est au stade 3 ou 4 feuilles environ un mois après.
Avantages de cette méthode : la réussite de l’implantation est aussi bonne qu’en été, le semis ne m’oblige pas à un travail du sol supplémentaire, il y a incontestablement moins de levée de rumex, et je bénéficie d’une prairie pâturable dès le mois de septembre. »

Conclusion :
« Il est évident que nous avons pu mettre en place cette alternative lors de notre passage en bio en 1999 à un moment ou nous avions déjà fait le choix de ne plus augmenter la taille de la ferme afin de globalement maîtriser notre temps de travail et d’être le plus autonomes possible . En effet, avant notre conversion nous n’utilisions déjà pratiquement plus d’herbicide au profit de méthodes culturales adaptées.
Cette expérience nous rapproche concrètement de la terre, nous rend attentif à ce qui se passe au niveau du sol et de sa biologie, à la différence de l’utilisation de machines et de tracteurs de plus en plus puissants et de plus en plus hauts qui nous éloigne de notre « mère la terre ».
Le travail manuel nous relie aussi au 1,5 milliard de paysans qui dans le monde n’ont que leurs mains pour cultiver la terre. »

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