L’agrandissement n’est pas une fatalité

Jacques s’est installé en 1977 sur la ferme de ses parents qui, avec près de 260 ha dans les années 50, était une grosse exploitation du département. Déjà à cette époque le père de Jacques refusait tout agrandissement préférant laisser le foncier aux paysans qui en avaient besoin. La ferme a même perdu 60ha en 50ans, essentiellement par reprises familiales de terrains. Jacques, dans la continuité, a fait le choix de s’installer avec deux beaux-frères. La ferme était alors entièrement dédiée aux grandes cultures (3/4 de la surface) et à l’engraissement de bovins (1/4 de la surface). En 1989 les associés ont fait le choix de se convertir au bio et d’élever un troupeau de vaches allaitantes. Il a fallu rétablir un équilibre entre productions animale et végétale (50% chacune). La viande est, depuis une quinzaine d’années, vendue en partie à la ferme. Depuis 2011, Jacques est à la retraite et a été remplacé par un salarié, faute de repreneur.

Ne pas rester isolé dans son travail

Jacques a toujours voulu travailler avec les autres, que ce soit au sein de son exploitation, en CUMA ou à d’autres occasions. C’était pour lui un moyen de se sortir de l’isolement social et décisionnel qui est parfois lié au métier de paysan. Le travail en groupe a également été important lors du passage en bio, en effet Jacques a pu trouver du soutien et des retours d’expériences auprès des agriculteurs et techniciens engagés dans un groupement régional bio. Il a également fait partie des paysans qui ont fondé la première coopérative bio en Lorraine. Le grand regret de Jacques reste de ne pas avoir prit le temps d’installer d’autres personnes sur la ferme : « J’aurais aimé que la ferme s’étoffe socialement, pour faire vivre plus de personnes, soit par de la transformation soit par de la diversification. » Il y a bien eu des contacts avec de potentiels nouveaux associés mais ceux-ci n’ont pas abouti. Jacques a donc transmis ses parts à son associé.

La production végétale en bio

Pour Jacques le passage en bio a redonné tout son intérêt à son métier et entre autre à la production végétale dont il s’occupait: « En bio, on revient aux fondamentaux de l’agronomie. » La conversion a amené Jacques à réfléchir aux variétés de céréales qu’il utilise, aux plantes bio-indicatrices, à la vie du sol et l’a conduit à l’allongement de la rotation sur 10 à 12 ans. Cette conversion à l’agriculture biologique a été un véritable nouveau point de départ dans la carrière de Jacques et l’a amené à un ensemble de connaissances qui s’inscrivent dans une approche systémique de l’exploitation.

Conserver des variétés anciennes

Jeune retraité, Jacques reste passionné d’agronomie et est très investi dans une association de semences paysannes où il participe à la conservation de variétés de céréales et de graines potagères anciennes et locales. Ces variétés sont très liées au terroir et leur conservation fait appel à un engagement dans la durée et nécessite une dynamique de groupe qui rassemble agriculteurs et autres passionnés de la biodiversité cultivée. Jacques maîtrise également le tri de semences qu’il a pratiqué sur sa ferme surtout depuis la conversion à la bio.

Avoir une réflexion globale à partir de sa propre expérience

Jacques et son associé font partie de ceux qui ont « prouvé que l’agriculture bio est viable et que le changement est surtout une question de conviction » et donc de volonté. L’expérience de Jacques et le recul sur sa carrière lui permettent d’avoir une vision globale sur sa ferme mais également sur l’agriculture, la société et les échanges Nord-Sud : « On a revendiqué l’autonomie alimentaire, chose qu’aujourd’hui on est en train de contester aux pays du Sud ». Ces réflexions l’ont amené à s’engager sur le plan syndical et associatif. Tout en travaillant sur une grosse ferme, il a tenté de mettre en œuvre ses idées et continué à défendre les petites structures. « C’est une contradiction apparente entre situation et convictions qu’il a fallu apprendre à gérer.»

Veuillez vous connecter pour voir les infos de contact

Télécharger la fiche

Veuillez vous connecter pour télécharger la fiche