Benoît et Sandra, couple berger itinérant en Picardie
La découverte de l’élevage et le choix de l’itinérance
Benoît reprend des études agricoles de l’idée de se lancer en horticulture. Après plusieurs stages, notamment dans une ferme ovine, il se passionne pour l’élevage ovin. Ils partent en Nouvelle-Zélande en 2019 avec PâtureSens afin de visiter des fermes et s’inspirer de leur vision de l’agriculture. N’étant pas issus de familles d’agriculteurs, et souhaitant s’installer dans une région où la pression sur le foncier est très forte, le choix s’est vite porté vers le pâturage itinérant.
Benoît et Sandra MANGIN, bergers itinérants s’installent en février 2022 avec 130 brebis romanes et quelques béliers Île-de-France. Ils augmentent progressivement la taille du cheptel, et comptent aujourd’hui plus de 200 brebis.
Le pâturage des couverts végétaux : créateur de liens et profitable à tous
Dès le démarrage, Benoît et Sandra cherchaient des agriculteurs pour faire pâturer le plus longtemps possible dans des couverts végétaux. Les agriculteurs du GIEE H3EAU+ (secteur de Breteuil) accompagnés par PERI-G ont lancé un appel sur les réseaux sociaux pour accueillir un berger itinérant. Ils sont en agriculture de conservation depuis plusieurs années ce qui est très intéressant pour le couple : les couverts sont semés plus tôt (parfois dès la fin de la moisson et sont maintenus très longtemps, jusqu’en février). Cela résulte à presque 6 mois de pâturage opérationnel, entre septembre et février.
Pour les agriculteurs, c’est bien souvent un passage de broyeur en mois et une meilleure disponibilité de la matière organique grâce à la digestion des ruminants. Du côté des bergers, les couverts diversifiés (avoine, trèfle, tournesol, vesce, phacélie, féverole, pois…) sont un fourrage gratuit, d’une très grande richesse, appétant et favorisant la croissance et l’immunité des animaux.
L’entente et la communication sont très bonnes entre les agriculteurs du groupement et les bergers. Les agriculteurs prêtent parfois du matériel aux éleveurs et lorsqu’ils ont à nouveau besoin d’une parcelle ils peuvent prévenir Benoît et Sandra 48h à l’avance, délais défini comme acceptable par les deux parties. Le besoin de chaque agriculteur est différent alors il faut être à l’écoute et s’adapter. Lors du pâturage des moutons, les brebis parcourent environ 12km en plusieurs étapes, chez quatre agriculteurs. C’est une activité qui dynamise le territoire : ”Quand on passe dans les villages, les gens sont contents de voir le troupeau”. Les moutons ne restent rarement plus de 3 jours dans la même parcelle, afin d’éviter que les animaux tassent les sols.
Un système très autonome
Le système itinérant, peut, dans l’idéal, fonctionner sans être propriétaire de foncier agricole : 6 mois de l’année dans des couverts végétaux et 6 mois de l’année à entretenir des zones naturelles. Pas d’achats de fourrages, donc ; et surtout pas de dette de longue durée avec l’acquisition d’une bergerie. Les bergers ont tout de même fait l’acquisition d’une pâture de 6 ha dans Clermont, qui leur permet de sécuriser l’autonomie alimentaire du troupeau. Leur objectif est de tout vendre en même temps, donc de grouper les agnelages et de vendre des agneaux d’environ 50kg qui ont entre 7 et 8 mois pour les fêtes de Pâques et de l’Aïd. Les brebis agnellent donc à la fin de l’automne, fin novembre-début décembre. Pourtant, Benoît constate une mortalité raisonnable, entre 10 et 15% : « ce sont des animaux faits pour vivre dehors, ils sont toujours en meilleure santé au champ, même avec des conditions difficile ». Il faut toutefois choisir des races rustiques, c’est pourquoi les bergers aimeraient renouveler leur troupeau et introduire la race Mérinos. Cela permettrait aussi de vendre la laine de ses moutons, qu’il doit tondre une fois par an mais qu’il ne peut pas valoriser aujourd’hui.
Si la majorité de son revenu provient de la vente de la viande, une partie signifiante est liée aux contrats de pâturage dans l’abondante zone Natura 2000 en forêt d’Ernemonville. Les arbustes sont apparemment très appréciés de leurs brebis. Il doit toutefois suivre un cahier des charges strict pour préserver la faune et la flore de ces zones.
Par choix et aversion aux démarches administratives, ils préfèrent se passer des aides PAC, peu favorables aux éleveurs ovins et des complications administratives dont ils préfèrent se passer. Un système sans terres et sans aides, c’est plutôt rare en agriculture ! Benoît conclue « si j’avais l’occasion de reprendre une ferme aujourd’hui, je ne la prendrais pas car je suis plus libre avec ce système ! »